26.5.10

Barcelone innove encore



"Barcelone, la ville innovante", paru au Moniteur en avril : dernier opus de ma longue collaboration avec les ateliers Projet urbain et Ariella Masboungi au ministère de l'Équipement (collaboration commencée en 1996...). Jolie maquette (Laurent Ciry aux manettes) et beau boulot de l'éditrice (Olivia Barbet-Massin).

23.5.10

Le mystère de la Chinese girl

Rose me raconte à Malacca que dans les mariages inter-communautaires, les jeunes filles chinoises ont plus de succès que les autres. A Singapour, même information. Pourquoi? "Demande aux filles", conseille Terence (lui-même d'origine chinoise, refuse de se prononcer...). Serene et Lynn, deux copines à lui que nous rencontrons au Wala Wala, rient à la question. L'une issue de parents "très chinois", l'autre de mère indonésienne et de père chinois, 26 et 25 ans, professeurs de chinois, toutes deux charmantes. Un copain à elles se contente d'expliquer : "C'est ce qu'elles sont".

Terence, Serene et Lynn, au Wala Wala.

Tout compte fait, il a raison. Elles sont minces, à la mode, sexy, marrantes... Leurs concurrentes indiennes ou musulmanes sont loin du compte. Sans oublier qu'épouser une musulmane oblige en général à se convertir. Et que les familles indiennes essaient de contrôler leurs filles avec rigueur.


La veille, j'avais rencontré Karen, qui dirige une galerie de photo et avec qui nous sommes allés boire un verre au Contemporary Melting-Port + Bar. Ces jeunes femmes là sont modernes, autonomes, très proches des Occidentales.

Colourful

"Colourful", ça veut dire "coloré" mais aussi "pittoresque". Je ne sais pas très bien quoi penser de Singapour, pas sûre d'y avoir compris grand chose. Deux soirées et une seule journée complète, ce n'est pas assez. Me restent quelques images. Celle-ci, presque une métaphore, racontant le côté "fabriqué" de cette ville ("fake") : la jeune femme pose devant une affiche qui fait d'elle une star, sous les flashs de photographes imaginaires. Cela se passe Orchad Road, une avenue en forme de centres commerciaux. Où vivent aussi quelques marchands ambulants.

Orchad Road, peu d'architecture intéressante, à l'exception du Ion, le dernier mall inauguré.




Ou Republic, plus classique, moins tape à l'œil.

Autre vue d'Orchad Road : un des péages urbains qui ponctuent les grandes avenues et les autoroutes. A chaque passage sous ces portiques, les véhicules payent - des tarifs différents selon les heures.

Beaucoup d'espaces ouverts, souvent plantés de beaux arbres. Cette générosité tropicale des espaces publics donne une qualité à la ville. Les bâtiments, eux aussi, sont grands. Plutôt lourds, purs produits d'un marché immobilier que la crise n'a pas l'air de se freiner.



Un des derniers fruits de cette dynamique, un bâtiment qui va sans doute devenir une icône de Singapour, assez stupéfiant de loin. Plutôt flippant de près.

Phénomène inverse avec la toute nouvelle école d'art, encore en partie en travaux même si les cours y ont déjà lieu. De loin, une masse lourde. De près, des qualités constructives intéressantes.


La nuit, le centre est extrêmement coloré - effets de lumière tous azimuts, joyeux.

Le jour, beaucoup de couleurs aussi, mais à l'effet cache-misère plus évident.

La couleur, c'est aussi une tradition locale, comme dans Little India et son temple (très animé) de Serangoon Road.




Ou dans des quartiers chinois encore assez authentiques.


Clin d'œil patrimonial, le Raffles, hôtel mythique, où j'ai emmené Terence - il a pu boire un verre au Empire Cafe, mais pas entrer dans le lobby, faute de porter une chemise ou un polo avec col - les T-shirts ne sont pas autorisés.


Pour terminer, une autre image emblématique, à l'aéroport de Changi, une photo qui n'a pas l'air vraie.

Malacca



Oui, ça vaut le coup d'aller à Malacca. Surtout pour ce mélange remarquable de communautés qui se partagent la ville sans heurts, malgré les différences religieuses. Les Malais musulmans et majoritaires, les Indiens, les Chinois, les communautés mixtes, vivent souvent dans des quartiers séparés mais se mêlent en maintes occasions, au boulot, en s'invitant à diverses fêtes, en se mariant. Ici, tout ça se développe sur le substrat européen d'une ville marquée par les Portugais (1511 à 1639) puis par les Hollandais, qui la cèdent aux Anglais en 1824.




Maison malaise, habitée et ouverte à la visite. La maison traditionnelle, en bois et sur pilotis, était construite en 3 parties: la terrasse, la chambre (une seule pour toute la famille, les parents dans le lit, les enfants par terre), la cuisine.


Saudade au Portuguese Settlement, quartier où les descendants des anciens envahisseurs portuguais sont toujours installés, face à la mer, autour d'une église.


Le plus grand cimetière chinois du monde hors de Chine.

Dans Chinatown, quasiment côte à côte, temples chinois, indiens et mosquées.


Le temple Cheng Hoon Teng, le plus vieux temple chinois de Malaisie (1648)




Le temple Sri Povyatha Vinayagar Moorthi, un des plus vieux temples indiens de Malaisie


Le bassin de la mosquée Kampung Kiling (1748)

L'église St Paul, où fut enterré St François-Xavier quelques mois, en 1553




Rosnani (dite Rose), la mère de Zaed (rencontre Couchsurfing à Melbourne il y a deux ans, revu par hasard à Wellington cette année) m'a promenée pendant deux jours, fière de sa "home town". Elle raconte ses six ans et son mari, cuisinier à la retraite (à 55 ans, âge normal) avec qui nous allons diner dans un restaurant thaï et qui rit lorsque je dis n'avoir qu'une seule fille, un frère et une sœur, sept cousins... Eux, ils se comptent chacun une soixantaine de cousins, leur mère ayant chacune eu 15 enfants, nombre banal... Rose a travaillé longtemps comme réceptionniste, boulot abandonné au 6e enfant, à 40 ans. Avec en plus une belle-mère qui la critiquait constamment. "J'étais une femme très fatiguée." Aujourd'hui, à 52 ans, elle est couturière à la maison. Elle porte le foulard islamique, malgré la chaleur (le retire dès qu'elle peut), comme toutes les femmes et jeunes filles musulmanes que je vois. Elle ne le fait que depuis 12 ans et n'explique ce choix que par le désir qui l'aurait pris en vieillissant d'être une "meilleure musulmane".

Depuis vingt ans, Malacca a beaucoup grossi. Elle a construit des terrains récupérés sur la mer, bâti des centres commerciaux, des blocs de logements, des hôtels, beaucoup d'hôtels dont on se demande comment ils vivent (certains ont même l'air quasiment vides) mais d'autres projets sont annoncés. Investisseurs chinois (traditionnels ici) mais aussi venus du Golfe.





Pour devenir une destination touristique, la ville a fait plein d'efforts. Réhabilitation de sa rivière et aménagement de ses berges, création de nombreux petits musées, pas toujours passionnants (un étonnant musée de la beauté souffrante).

Le samedi soir, Chinatown ferme ses rues à la circulation et devient un espace festif. Les Singapouriens viennent faire du shopping bon marché, les habitants de Kuala Lumpur passent les week ends. Tout cela menace bien sûr l'identité de la ville - je suis contente de l'avoir vu avant qu'elle se perde.

vers Malacca



Avant de clore le chapitre de ce voyage, quelques histoires restent à raconter... D'abord la route vers Malacca, trajet en bus depuis Singapour, long (quasiment 4 heures, formalités frontalières comprises au passage en Malaisie) et plutôt ennuyeux, traversant en continu les plantations de palmiers - cultivées pour l'huile, elles ont remplacé ces dernières années les vraies forêts. Je lis "Sangsues", roman du serbe David Albahari, qui parle de Cabale et de paranoïa - étrange décalage culturel.

à mi parcours, le chauffeur fait une pause et sort de l'autoroute : food court, petit supermarché, restaurant et, surtout, un bassin où nagent d'un côté des poissons dorés et sauteurs, de l'autre des carpes dolentes et grosses - dont une, spectaculaire, fait au moins deux mètres de long.