28.6.10

Dans la tête?

Ce qui est beau, avec l'exposition en cours à la Maison Rouge (collection de coiffes ethniques d’Antoine de Galbert, "Voyage dans ma tête") c'est ce dialogue ébouriffant, étincelant, démultiplié entre l'humain et l'animal. Parce que tous ces chapeaux, à cheveux, à plumes, à poils, tous ces couvre-chefs pleins de magnificence, racontent autant la peur de l'animal que son alliance, ou comment s'emparer de ses qualités, pour faire peur, faire beau, faire riche. Quelquefois pour se protéger mais bien plus souvent pour impressionner. Le chapeau remplit d'autant mieux cet office qu'il se pose sur la tête, donc symboliquement influence l'esprit et lui donne du pouvoir - le chef, c'est bien sûr autant la tête que celui qui dirige: l'animal vient se jucher là où l'esprit est le plus vif.


La collection (450 coiffes et parures), magnifique, m'a fait rêver. Pour la beauté des plumes mais aussi pour certaines formes incroyablement simples et efficaces.

20.6.10

Chroniques de l'Ile



Sortie il y a déjà quelques semaines du #3 des Chroniques de l'Ile, que je réalise pour la Samoa sur le projet de l'Ile de Nantes. Les deux premiers numéros, sortis en 2009, racontaient le rapport à l'existant (le "déjà-là", le patrimoine) et la relation à la Loire (à l'échelle de la ville de Nantes et de l'estuaire).



Ce numéro 3 parle des temps du projet : une problématique fondamentale dans la vie des projets urbains, rarement explorée (je me suis aperçue en écrivant cet ouvrage que très peu de choses sont publiées sur le sujet). Pourtant, c'est passionnant, parce que ce thème des temporalités influence profondément les relations entre les nombreux acteurs qui interviennent dans la transformation de la ville - les élus bien sûr, les concepteurs, les partenaires privés, les habitants, les diverses institutions... et l'aménageur, qui a la charge d'associer tous ces acteurs pour que le projet avance. Le temps du projet, c'est aussi une question de stratégie (voir loin mais également jouer la souplesse, savoir susciter et saisir les opportunités) et de rythme : le temps long, très long, de la ville, mais la rapidité de l'action, indispensable pour ne pas s'enliser. Le temps, c'est aussi celui de la métamorphose du territoire, ou comment le projet se fabrique, s'incarne.


Ces Chroniques représentent pour moi une vraie réussite : cela faisait longtemps que je rêvais de raconter un projet pendant sa réalisation même, sans attendre que tout soit ficelé, sans attendre non plus que la mémoire de la fabrication se perde et soit trafiquée par les intérêts des uns et des autres. L'idée, ici, est de partager l'histoire de cette fabrication, celle de la conception et des chantiers, des discussions et des doutes, comment ces débats transforment les projets... Et aussi raconter la multiplicité des acteurs, car un projet urbain met en œuvre beaucoup d'énergies, exige l'intervention de très nombreux partenaires - à qui j'ai essayé de donner la parole. Avec un objectif : raconter tout cela dans une langue normale, pas celle des spécialistes, donc s'adresser à un public plus large, celui des "amateurs" de ville. Que la Samoa ait été mon premier commanditaire d'accord pour jouer ce jeu n'est pas si étonnant : l'Ile de Nantes est sans doute le grand projet français qui s'est déployé de la façon la plus souple, avec beaucoup d'ambition mais aussi une grande flexibilité. Et la Samoa, grâce à Laurent Théry et à son équipe, est un maître d'ouvrage unique en son genre pour son ouverture d'esprit et son exigence. Hélas, Laurent Théry s'en va, en octobre, pour diriger Euralille.

(Les Chroniques de l'Ile sont publiées par Place Publique, avec la belle mise en page de Bernard Martin)

7.6.10

Dreamlands

Des incontournables. Et une surprise. Côté archives décisives, Walt Disney racontant son projet de ville idéale à Orlando, Epcot, où l’attention aux usagers met l’accent sur le transport collectif et où le rêve de progrès se conjugue à celui d’une société américaine sans conflit (et sans mémoire, comme le film de promo qui, caricatural, prétend inventer ce schéma de cité idéale tout droit sorti des labyrinthes médiévaux). Il manque le chaînon historique : comment Disney est passé de cet idéal techno à Celebration, archétype de la Gate Community et du new-urbanism. Évidemment, l’optimisme s’est essoufflé depuis la fin des années 50. Disney est mort et Epcot n’est qu’un parc à thèmes rétro...


Autre étape clé de la représentation urbaine, les débats autour de Venturi et de Las Vegas (paresseuse, l’expo en fait beaucoup sur Las Vegas, peu sur le débat). Mais déjà l’écœurement annonce l’explosion de la Fake City – jusqu’aux forcenés de Dubaï. Là aussi l’expo se contente d’images chocs (bien vues) et de documents publicitaires, sans aucune information sur la faillite du système (en réalité, l’absence de transport public est infernale, les projets immobiliers pharaoniques ne survivront pas à la crise, les trop nombreux centres commerciaux sont vides la plupart du temps, les « îles » commencent déjà à se désagréger pendant que les mauvaises odeurs plombent la vie de leurs habitants...).

Quelques pépites, du temps où l’Amérique était inventive et peu prude : un extrait de comédie musicale, le pavillon surréaliste de Dali pour la foire internationale de New York en 1939...
La surprise : un film de Pierre Huyghe (Streamside Days, 2003) raconte le rêve de nature (cascades et Bambi) et sa transformation en marshmallows. C’est bizarre, drôle et tragique.
(à Beaubourg jusqu’au 9 août)