28.7.10

Avignon son

Leçon du son : cette édition d'Avignon a approfondi la question du son, avec brio. C'était la magie majeure du « Mage en été » – Cadiot visité par Ludovic Lagarde et son équipe, pour créer un espace où la voix voyage, réverbérée, aiguisée, azimutée... Parfois elle vient du fond du plateau, parfois elle sort du jardin, passe à cour, joue entre les fauteuils pairs et impairs, englobe le spectateur ; elle amplifie et démultiplie le comédien – Laurent Poitrenaux fait ça très bien, c'est même ce qu'il fait de mieux, appuyé sur une gestuelle impeccable (malheureusement, il n'a pas encore nettoyé son ego, envahissant, redondant avec le texte, diction encombrée de tics qui gomment les surprises : à le voir dans cet exercice du seul en scène, je me souvenais d'Isabelle Huppert dans Sarah Kane, « 4.48 psychose » par Claude Régy, c'était transcendant, émouvant jusqu'à l'os!). Dans le « Mage en été », la voix tricote l'espace avec la musique, presque désincarnée mais pas tout à fait, avec des bruits difficiles à identifier, et avec les images : un noir parfait, tellement intense et profond qu'on s'y abîme et les suggestions vidéo qui y volètent ont l'air sorties de nos cerveaux.

Depuis que les comédiens montent sur les plateaux avec des micros minuscules, ils n'ont plus besoin de déclamer ou de lutter contre le mistral (peine perdue), ils peuvent susurrer, l'illusion cinéma fonctionne. En soi, une petite révolution théâtrale, à laquelle on s'est habitué très vite (trop? Parfois ça fait plaisir d'entendre une simple voix). Aujourd'hui, l'illusion va plus loin. La voix off semble vraiment venir de l'acteur assis, tranquille, à l'avant-scène – et alors elle ouvre à tout son monde intérieur. Elle donne les moyens à la jeune troupe de « Bruno Candida 1 » de tout jouer en play-back (Tsukuba, production d'arts sonores, dans le Off) et d'inventer des créatures virtuelles crédibles. Le son décalé, c'est aussi pour le « Délire à deux » de Ionesco (Christophe Feutrier metteur en scène, dans le In), une mise en abîme qui donne aux didascalies une puissance réverbérée et fait sortir les héros du ring où ils s'affrontent en boucle, alors même que la guerre, dehors, ne les atteint que par ses bruits.

Il y a eu la lumière, puis la vidéo, maintenant le son : toute la technique a changé. Et elle va continuer à évoluer. Avec elle, l'espace théâtral mute – de trois à quatre dimensions, sans doute plus car les portes de l'imaginaire sont ouvertes.

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