3.10.10

Baisers, lucioles, liberté

Jolie Nuit Blanche. Je l'ai faite légère, en prenant mon temps. Donc en voyant peu de choses mais en en profitant beaucoup. Elle a commencé par un long baiser, "un long baiser sans fin" (Jeanne Moreau dans "J'ai la mémoire qui flanche") - Kiss, de Tino Sehgal dans la cour vitrée de l'école des Beaux-Arts: deux danseurs enchaînent à l'infini des figures de baisers célèbres dans l'histoire de l'art du 20e siècle (à ma grande honte, je n'en ai reconnu guère), travail parfait des corps, qui glissent sur le marbre du sol, les visages restent impassibles, l'exercice est vidé d'émotion donc de désir, c'est étrange et intéressant.

Étonnamment, les Lucioles d'Erik Samakh, dans le cloître de l'Hôtel-Dieu, étaient plus évocatrices de sentiments amoureux, si fragiles, improbables clignotantes dans la nuit silencieuse.

Après un petit tour un rien décevant autour de Notre-Dame illuminée de l'intérieur (fallait-il que l'architecte des Monuments Historiques soit si chatouilleux d'un tel scandale, oser éclairer les vitraux de l'intérieur? Ce que la Fête des Lumières avait déjà fait à Lyon il y a quelques années...), cap sur Belleville pour la Parade de Rirkrit Tiravanija et Arto Lindsay, de la zique battante pour une ambiance joyeuse, des jeunes filles qui retirent des tee-shirts superposés (pubs et slogans pas si politiques que ça), jusqu'à faire apparaître le slogan : "On ne peut pas simuler la liberté" (contrairement à l'orgasme?).

Sur le boulevard, installation surprenante de Lang et Baumann, greffe de tuyaux lumineux sur l'école élémentaire au pur style Jules Ferry (Comfort #4).

Dans la cour de l'école d'archi, le joli Arbre à Rêves de Sylvie Hazebroucq avec Paris Mômes, dimension festive de la Nuit Blanche (normalement, déposer ses souhaits sur la sculpture était réservé aux enfants, mais les adultes aussi sont des enfants).

Pas de fête à l'art contemporain sans vidéos. Dans l'école d'archi, une merveille du Coréen Heewon Lee : Phone Tapping, voix racontant comment les fantômes interfèrent dans les vies, panoramique sur Séoul la nuit, dont les milliers de lumières deviennent des lucioles en nuages... A la Cité des Métallos, envoûtant voyage sous l'eau d'un barrage qui noya des villages, près de Bahia, en 1978 (Cidade Submersa, de Caetano Dias).


Et puis la surprise, même pas dans le programme officiel (seulement associé) : le pavillon Prouvé reconstruit dans la cour de la Monnaie de Paris accueille l'installation performance du groupe La Cellule, A pile ou face, mes amours se jouent. Ambiance India Song pour le décor et les costumes mais comme si Duras était devenue drôle; entre starlette et marin, un visiteur, une visiteuse, sont autorisés à entrer pendant trois minutes. Le public sourit, invité à imaginer, stimulé à devenir créatif.





1 commentaire:

  1. J'ai participé à la préparation du projet de Rirkrit, et j'avoue trouver borné d'associer "simuler" immédiatement à l'orgasme et donc poser ces jeunes filles dans un contexte déplacé. Cela n'a rien à voir, c'est un peu facile et manque cruellement de subtilité. Je ne souhaite en aucun cas être insultante, mais tiens à laisser un image respectable de la femme au travers de cette oeuvre qui ne la résume EN AUCUN CAS à un objet sexuel.
    Deplus cela empêche d'adopter la bonne reflexion sur un message qui pose un problème grave. Voila pour faire (très) court!
    Je veux simplement commenter les lacunes et les erreurs qui peuvent nuire à l'oeuvre. Merci!

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